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COMMENTAIRE SUR THIN LIZZY DANS LE CADRE D'UN DOSSIER "HEAVY METAL"

ROCK & FOLK N° 123 (avril. 1977)

La Soul Music made in USA est, et depuis longtemps, aussi populaire dans le nord de l'Angleterre et en Irlande que dans les ghettos noirs américains. et il était probable que tôt ou tard, apparaîtrait un groupe de rock qui aurait assimilé cette misque là. Ce groupe, le voici : il s'appelle THIN LIZZY. Fondé en 1970 à Dublin, la formation, dirigée par le bassiste Phil Lynott, a longtemps joué un hard rock traditionnel et est surtout connue pour la violence de son impact scénique. Mais la dureté du genre sert aujourd'hui chez thin lizzy de vraies chansons, de vraies mélodies ("jailbreak" et le très beau "Johnny the fox"). Le groupe qui est en train d'exploser est d'une trempe peu commune et son leader un créateur plutôt doué.

Thin Lizzy a un son, un élan myhique qui peuvent évoquer ceux de Marvin Gaye ("what's going on"), tut un allant qui, ajouté à des dons mélodiques valorisés par des parties vocales très travaillées, d'une légèreté inhabituelle pour le genre (le magnifique "old flame") insuffle à la musique jouée une intensité émotive rare. De toutes les formations dont il est question ici, Thin Lizzy est la plus originale, qui pousse le heavy metal un peu plus loin, lui done vie autrement que par la seule violence. Non, le rock n'est pas mort, mais il se transforme. Thin Lizzy a TOUT l'héritage du rock anglais derrière lui et il semblerait qu'en élaborant ce heavy metal qui s'est tant voulu primaire, qui a refusé jusqu'aux artifices offerts par les studios pour conserver la dureté originelle en laquelle réside son essence même, le groupe débouche sur un art, plus musical au fond, et combien plus poignant que le hard d'antan.

Il y a dans la musique de Thin Lizzy un peu de ce que charriait le rock anglais entre 1963 et 1965 - appelez cela enthousiasme, magie ou savoir faire -, cette sensation d'urgence absolue que font naître ytous les musiciens qui savent toucher les gens. Une des armes du groupe réside dans sa concision : pas de lead guitares mugissantes chez lui, ni de développements instrumentaux. La mélodie prime tout et Phil Lynott condense les idées (nombreuses) autant qu'il le peut. Instrumentalement, Thin Lizzy swingue et revient à la conception plutôt abandonnée selon laquelle les guitares accompagnaient, soulignaient les voix, créant ce qu'on appelle le "back beat".

Benoît FELLER