LE MOT DE RAPHA

 

Merci Rapha pour ces mots ...

Un ange est passé !

Je suis courbé sur un moteur d’Alfa Roméo. L’auto est posée sur chandelles, le capot à été enlevé. A mes cotés, une silhouette affublée d’un T. Shirt, d’un jean et d’une paire de baskets blanches, s'agite sur la culasse déposée tout en m’expliquant le pourquoi et le comment d’une telle mécanique italienne. Il est environs seize heures en cette après midi de fin de printemps 1981. L’air est chaud et chargé de cette odeur caractérisée par l’essence et lubrifiants sportifs. J’en profite pour lui parler des mes textes, d’un nouveau morceau qui jaillit dans ma tête….

Comme à l’accoutumée, la conversation prend des allures euphoriques. Nous nous apprécions mutuellement et nous sommes heureux de partager la même passion dans une existence de rêve. Les projets nous enchantent tout en ignorant que sommes prédestinés.

Je me rappelle d’un article retraçant des circonstances du même genre entre Robert Plant et Jimmy Page, quelque part dans leur studio des Highlands. Il y avait ce même sentiment d’exaltation, ce bonheur ineffable dans les voix. Cela se passait en 1972.

Comme Jeff Beck, Christophe est galvanisé par deux passions : la guitare et les voitures. La seule réalité dont il ignore les aléas porte le superlatif " d’extrême ", comme si ce mot démesuré et intense n’avait lieu d’exister. Pire, il intégrait les segments de sa vie.

Au début de cette relation amicale, j’ai eu beaucoup de difficulté à discerner ce que son attitude, par occasions rares, m’exprimait.

Peu a peu, au fur et à mesure que notre légion progressait, et sous les résolutions assassines de notre coach de malheur, nous nous sommes dissociés et à nouveau réunis. Ce fut en 1986 puis en 1988.

Mon " Jimmy Page " paraissait légèrement déboussolé. Perplexe et très inquiet par l’avenir du Hard Rock made in France, il semblait dévoyé au milieu des éloges de tous bords. Ce fut une étrange époque.

A son frère Jérôme, il dit un jour : " tu te rends compte, Nono m’a dit que je joue bien ! ". Effarant !

En fait, Christophe ne s’imaginait pas un instant qu’il était " le Meilleur guitariste français ", le plus grand, le plus extraordinaire. Affublé d’une véritable dimension planétaire.

D’illustres virtuoses américains et anglo-saxons l’avaient contacté en vue de le rencontrer, de le voir à l’œuvre et d’halluciner jusqu’aux remords !

Au début des années 90, alors que je me partageais entre le Club Med et quelques séries de concerts, j’ai souvent pensé à lui.

A l'intérieur d’une chambre d’hôtel à Tokyo, lors d’un concert à New York, ou sur une scène de Stockholm, Christophe était à mes cotés.

Je comptais les jours et les mois en me disant " On va se lancer dans un nouveau projet ensembles ". Au lieu de cela, le destin en décida autrement.

Nos meilleures années se sont donc éclipsées à tout jamais.

Je suis récemment passé devant le petit garage que les intempéries et le manque d’entretien ont décrépi. Je me suis arrêté un instant, en sorte de revivre notre autobiographie. J’ai fermé les yeux et tendu l’oreille. Puis au bout de quelques secondes, j’ai discerné nos murmures dans ce lointain immédiat. J’ai revu cette Alfa Roméo de couleur rouge, cette housse de Fender posée sur la banquette arrière et cette veste de cuir noir posée sur son dos.

Une portière a claqué.

Puis le bruit assourdissant d’une voiture qui démarre en trombe et qui prend une allure folle. De la même façon que ces solos endiablés qui nous laissaient à terre, cette terre qui aujourd’hui résonne sous nos pieds.

Ensuite, plus rien, le néant. Comme si notre lecteur de CD s’était interrompu tout d'un coup, net, dans un silence troublant.

Je remonte dans mon Espace et repart….. lentement.

Un ange est passé !