Immortel
Eternel
Immortel
Tes yeux malicieux m'ensorcèlent ...

LE MOT DE JEROME

Merci Jérôme pour ces mots ...

 

Je me souviens comme si c’était hier de la première fois que Christophe est monté sur scène. Il avait 13 ans et accompagnait son père avec une aisance déconcertante, et une guitare plus grande que lui ! Ce jour là, ceux qui étaient là ont compris qu’il deviendrait un musicien hors pair.

On pense tous que l’on a vécu des choses sensationnelles et différentes des autres et on idéalise souvent notre enfance en conséquence. Une chose est certaine, avoir un grand frère comme Christophe n’était pas banal ! Je lui dois mes premières cigarettes, mes premières virées nocturnes en pyjama sur sa mobylette, mes premiers concerts, ma première guitare, mes premières cuites et mes premières amours. Je lui dois aussi d’avoir écouté et aimé directement Led Zep, Hendrix ou encore Jeff Beck sans passer par " l’école est finie " de Sheila et autres mièvreries de l’époque !

Christophe était doué pour la musique, c’était un musicien complet, mais il travaillait énormément. Il avait commencé par quelques années de piano classique et de batterie avant d’avaler les douze années du programme de guitare classique en trois ans, le tout en jouant du Rock et du Jazz Rock dans son premier groupe de l’époque, Cadence. Je l’écoutais jouer des nuits entières. Sa principale qualité était de pouvoir improviser et de jouer naturellement des dizaines de chorus de guitare différents sur un même morceau. Il ne jouait jamais mécaniquement, il jouait simplement ce qu’il entendait.

Ses influences musicales ont été sans conteste les groupes des années 70 et 80. Il aimait Led Zep, Deep Purple, Zappa, les Stones, AC/DC, Van Halen et surtout Jimi Hendrix et Jeff Beck, mais il aimait tout autant John McLaughlin, Al Dimeola, Stanley Clark, Weather Report, Keith Jarrett, les Brecker Brothers ou Miles Davis. Je pense que c’est cette diversité qui a fait qu’il était à la fois mélodieux et technique dans son jeu de guitare, avec cette couleur et ce phrasé qui le distinguaient de beaucoup d’autres.

La personnalité de Christophe était à l’image de son jeu, assez complexe. Il marchait à l’affectif, avait de l’ambition sans avoir les dents qui rayent le parquet, était très généreux, était indépendant tout en ayant des attaches familiales très fortes, et il était surtout beaucoup plus humble et réservé que certaines de ses attitudes de façade le laissaient penser. Il n’avait pas le sens des affaires et il s’est d’ailleurs toujours très mal entouré à ce niveau là. Lui, il voulait jouer, il voulait que " ça tue " et le reste ne l’intéressait pas. S’il était assez sûr de lui à l’époque de Warning (dont je ne parlerai pas puisque Thierry s’en charge bien mieux que je ne l’aurai fait), il s’était mis à douter fortement de son talent dans les dernières années de sa vie. Je le revois me dire avec étonnement "  Nono (Trust) a écouté Rêve d’un Rêve et il l’a aimé. Il m’a dit que les guitares étaient super ! ". Il n’en revenait pas, qu’un bon guitariste lui dise que lui aussi était un bon guitariste dépassait son entendement. Une autre fois, il n’avait pas osé aller voir Gary Moore en personne qui souhaitait le rencontrer après l’avoir entendu jouer ! Ce qui était terrible, c’est que Christophe n’avait jamais aussi bien joué qu’à cette époque où il avait acquis la maturité en plus !

Christophe a toujours tout vécu très vite et dans l’excès. Il a été précoce musicalement, s’est retrouvé sur scène très jeune, a été musicien de studio à 16 ans, a été le guitariste de Johnny à 20 ans à peine, et a rejoint Warning pour le premier album à 22 ans. Tout est allé très vite, trop vite peut être. Entre la fin de Warning qu’il a plutôt mal vécue (et seul), et son dernier CD en 1993 il a vécu des moments difficiles et c’est au moment où il reprenait espoir que sa passion pour la vitesse l’a emporté. Christophe nous paraissait invulnérable, indestructible. Je n’avais pas mesuré à quel point il était sensible. Il me le joue encore aujourd’hui dans chacune de ses parties de guitare, dans chacun de ses riffs uniques, dans tous mes rêves et mes souvenirs d’enfance, et c’est ce qui le rend immortel à mes yeux.