LA DERNIERE INTERVIEW DE PHIL ...

... à un mag français, HARD ROCK MAG, date du quatrième trimestre 85 ... quelques semaines avant sa mort, en voici le contenu :

HR : tu viens de sortir un single, "19", c'est le grand retour de Phil Lynott ?

PL : Je vais essayer ; en tous cas, c'est loin d'être la fin de Lynott ! Le thème de "19" m'est venu aux States : J'étais dans n bar, un soir, lorsque, tout à coup, un jeune hell's angel est entré et a tapé du poing sur le comptoir en disant au barman" donne moi une bière ! Je suis méchant !". A 19 ans, tu es mi-homme mi-teenager, c'est un âge stratégique. Tu as deux chemins qui s'offrent à toi : filer un bon coton ou faire des bêtises et aller en prison. Dans cette chanson, je parle de l'agressivité de certains jeunes par rapport à la société. Pour ma part, si je n'avais pas fait ce métier, dans lequel je déverse mon agressivité, j'aurais sans doute été en taule.

HR : Pourquoi as tu choisi Paul Hardcastle qui vient du funk comme producteur ?

PL : Lorsque thin lizzy a splitté, j'étais désenchanté, et je me suis éloigné du hard rock pour essayer de voir cette musique d'un autre œil. A cette époque, je sortais souvent en boîte draguer les filles, écouter du disco ou du funk, mais au bout d'un an, j'ai réalisé que j'aimais avant tout la heavy music. Le business en a d'ailleurs besoin pour survivre. La production du hard rock actuel est aveugle, comparée à celle de la dance music, qui est très habile. Certains musiciens ont tenté des expériences, tels Eddy Van Halen avec Mickael Jackson, ou ZZ TOP, mais elles ne sont pas nombreuses. Paul Hardcastle aimait beaucoup thin lizzy et voulait prouver qu'il pouvait produire autre chose que du disco ou du funk. Pour moi, ce single est juste une expérience : prendre les techniques de son et de production de la dance music et s'en servir pour le hard rock. Paul joue aussi des claviers sur cet "heavy single".

HR : Tu as même un invité de marque, Robin George, à la guitare solo

PL : Gary Moore faisait sa tournée mondiale et John Sykes était à Vancouver avec Whitesnake. J'avais déjà travaillé avec Robin sur "heartline" dont j'avais d'ailleurs beaucoup aimé la production : c'était le seul bon guitariste heavy, à part John et Gary, qui pouvait comprendre ma démarche. J'ai la conviction que si le hard rock veut vivre et aller plus loin, il doit être mieux produit. Prends la pop en 1985 : même si les musiciens sont moins bons que ceux du hard, leurs disques sonnent mieux grâce à une production très soignée.

HR : Comment envisages tu l'avenir ?

PL : Courant janvier, je vais sans doute enregistrer un autre single avec Gary Moore, puis, fin mars, je sortirai un album qui coïncidera avec une tournée anglaise et européenne. Brian Downey, mon ami très cher, est de retour à la batterie, mais je cherche en ce moment un nouveau guitariste.

HR : Tu es aussi en train d'écrire une musique de film ...

PL : Oui, j'ai un ami qui a écrit et réalisé un court métrage sur une période de l'histoire irlandaise particulièrement douloureuse de 1916 à 1920. La répression des irlandais et de l'IRA par les patrouilles anglaise qui furent très cruelles. J'ai utilisé la musique traditionnelle sur fond de rock. C'est vraiment une bande originale de film. Ce travail est très intéressant, c'est encore une nouvelle expérience pour moi. Le film sera d'ailleurs présenté au festival de Cannes

HR : Quels sont les guitaristes connus avec lesquels tu aimerais travailler ?

PL : Eddy Van Halen. Et un guitariste suédois, Inga, qui est d'une incroyable dextérité.

HR : Tu dois être très sensible aux autres musiciens irlandais ?

PL : Oui, j'en suis assez fier. J'aime beaucoup MAMA'S BOYS, qui a été le dernier groupe a jouer en dernière partie de thin lizzy. Et RORY GALLAGHER, avec lequel j'ai jammé une fois en Allemagne. RORY et moi sommes venus en même temps à Londres, lui avec TASTE, et moi au sein de SKID ROW.

HR : Il y a plusieurs années, tu devais tenir le rôle principal dans un film retraçant la vie de JIMI HENDRIX ...

PL : J'ai fait deux auditions et obtenu le rôle. Eddie Murphy, avant qu'il ne soit une star, avait lui aussi passé ces auditions. ROBIN TROWER et RITCHIE BLACKMORE devaient jouer les parties de guitares, mais le projet du film a été abandonné. JIMI HENDRIX est un vrai héros ! Il fut une grande source d'inspiration pour moi.

HR : Vas tu écrire d'autres livres bientôt ?

PL : Je viens d'en terminer un, "baker's dozen", qui est un recueil de treize nouvelles sur la "music business". Par exemple la vie des roadies, d'une groupie, et l'histoire de deux musiciens se séparant, l'un devenant très célèbre, l'autre pas du tout. Ils se retrouvent plusieurs années après .... Dans le temps, les boulangers faisaient toujours treize pains à la douzaine, c'est la raison pour laquelle j'ai intitulé mon livre ainsi.

HR ! Quelle est ta définition du mot artiste ?

PL : C'est une personne qui vit son art avec son cœur et ses tripes, et non pas pour l'argent. Quelqu'un qui veut abandonner le succès au profit de son art. Souvent, les compagnies discographiques te demandent une musique plus commerciale ou de porter des vêtements plus fantaisistes pour avoir davantage de ventes. C'est au détriment de ton art et de ton esprit.

 

PS : merci au mag HARD ROCK MAG

Copyright : hard rock mag février 1986, n° 18.